Il était une fois une princesse enfermée... l'histoire pourrait commencer ainsi, mais finalement il n'y a pas de tour d'ivoire, juste les murs d'un hôpital psychiatrique... Drôle d'endroit pour une rencontre et pourtant, c'est dans ce décor qui prête plus à la confusion qu'aux sentiments que Max et Lula (et non pas Be-Bop-A-Lula, bien que Max soit bipolaire, pas plus que Sailor et Lula... quoique... ) vont développer une romance très perturbée mais surtout perturbante pour ce milieu hospitalier, qui porte parfois si mal son nom...
C'est avec beaucoup de poésie, de clowneries, d'humour noir et une raisonnable distance que Cyrille Garit nous propose cette visite au sein de cet univers rejeté par le commun des mortels qu'il dérange profondément. Avec la complicité et le talent de Stève Perrin, la musique vient donner une touche parfois profonde et parfois totalement décalée à ces maux si durs à prononcer en prose pure.
Après avoir assisté aux lectures, les représentations au Théâtre Michel ne viennent que confirmer que le spectacle fonctionne et les applaudissements répétés à chaque fin de tableau venaient ponctuer l'émotion justement ressentie par la salle à chaque fois.
Pour en avoir rêvé pour mes propres spectacles, la présence des musiciens sur scène (Piano: Djibril Caratini-Sotto et Contrebasse: François Fuchs), qui viennent aussi ponctuer, souligner, soutenir l'ensemble de cette belle architecture, apporte un frisson supplémentaire, qu'aucune bande enregistrée ne saurait reproduire...
La mise en scène (Jean-Charles Mouveaux-Mayeur assisté de Marine Julien) plein de "petits riens" qui en font toute la beauté, ainsi que les chorégraphies (Stéphanie Chatton) et les lumières (Pascal Noël) apportent la dernière touche de magie à cette beauté éphémère au milieu d'un monde peuplé par les peurs de chacun...
Et puis, il y a les comédiens qui ont su transfigurer tout, porter à bras-le-corps ces poupées de chiffons inarticulées pour en faire des êtres de chair et de sang qui font que l'on s'attache à leur sort, que l'on pleure de leur douleur et partage leurs errements.
Bravo à chacun d'entre eux d'avoir su incarner des états aussi extrêmes et ces multiples personnages ou personnalités, hydres magnifiques d'émotion.
Joseph-Emmanuel Biscardi qui incarne Max depuis le démarrage du projet a réussi à lui donner un maximum de relief avec une présence incroyable sans pourtant effacer la frêle Vanessa Cailhol qui reprend le rôle de Lula avec une surprenante éclosion, de la noirceur la plus sombre à la lumière la plus éclatante.
Philippe d’Avilla et Caroline Klaus, qui les entourent en incarnant une palette incroyable d'être plus ou moins fantasques et fantastiques, apportent à la fois toutes les nuances sur cet environnement étrange, mais montrent également tout ce que peut comporter de ressources le talent d'un comédien.
Je vous souhaite encore de nombreuses représentations et reviendrais vous voir toujours avec la même émotion, intacte : "il paraît qu'il s'agit juste d'une question d'amour..." !