Il y a un plaisir évident à voir naître et grandir un projet... Goodbye Candide, cela fait un peu plus d'un an que Vincent m'en a parlé pour la première fois... Vincent que j'ai rencontré parce qu'il connaissait Laurent, mais ça, c'est une autre histoire...
Vincent Piccerelle est un touche à tout, pas un dispersé, non, juste un multi-talent qui sait porter de beaux projets.
La première fois qu'il m'a dit adapter Candide au théâtre, je me suis vraiment demandé comment cela serait fait, d'autant que j'aime beaucoup ce conte philisophique. J'ai déjà rapporté ici le plaisir évident que la lecture m'avait déjà donné. Depuis, une seconde lecture a eu lieu qui n'a pas démenti le comique du texte et la qualité du casting. Alors j'ai compté les jours jusqu'à la première qui a été délivrée, enfin, la semaine dernière.
La co-écriture de Vincent et d'Anthony Pierrin pétille dans la bouche et provoque de sains éclats de rires : il fallait déjà comprendre toute la subtilité du texte d'origine pour oser le détourner savamment en une folie théâtrale pour laquelle à peine 6 comparses jouent plus d'une vingtaine de rôles... Il y a un équilibre absolu entre la maîtrise d'une certaine schizophrénie (voir un syndrome de multipersonalité) et celle du rythme imposé par le timing serré et imposé par le Théâtre Clavel : 1h10 pas une minute de plus ! *
Le voyage est assuré : un tour du monde en couleurs, accents et musique ! Car une des entorses majeure faite au genre - en dehors de la langue - vient de l'insertion à certains moments choisis de morceaux musicaux tout autant sélectionnés pour leur à-propos (et composées en grande majorité par William Laubé).
La beauté vient aussi de l'évolution perceptible et poignante de nos personnages principaux : Cunégonde (transfigurée par Adeline Belloc) jolie ballerine aérienne qui vire progressivement vers une "like a virgin attitude" avant de sombrer dans la folie, tandis que "son" Candide (totalement incarné de façon burlesque par Anthony Pierrin) deviendra de timide puceau amoureux, un pervers sado-maso totalement maitre de son destin...
J'ai une tendresse particulière pour Martin et Pangloss qui sont finalement bien proches : ils sont contemplatifs plus qu'acteurs, mais terriblement bien interprétés par Thomas Lempire et Didier Lafaye.
La mention très spéciale va à l'interprétation magistrale de "la vieille" campée par une Helen si sensuelle le temps d'un tango chez la Marquise un peu trop accro à la "coco" : la métamorphose est de taille !
Les entrelacs et entrechats sont si bien maîtrisés qu'il est parfois délicat de séparer le texte original de l'ivresse des bacchanales de nos hardis auteurs... Le plaisir du mot, du "bon mot", du "beau mot" est là et se transmet à la salle qui réagit souvent en riant aux éclats... car les transpositions sont audacieuses avec des clins d'oeil à de grands classiques et de subtils mélanges entre les époques... "Le diable se cache dans les détails" (et s'habille en Dior et non pas en Prada ;) ), entre un beau travail de mime, une voix-off qui surgit des tréfonds d'un bateau pirate (Richard Darbois) et un raccord maquillage qui fait son effet...
Le tout est soutenu par la savante scénographie de Juliette Azzopardi et les éclairages créés par Jacques Rouveyrollis (assisté de Jessica Duclos) . L'affiche est due au talent de Yohann Elizabeth-Paderna.
Bien sûr, l'édifice ne tiendrait pas sans Vincent à la fois à la mise en scène et sur scène de façon inoubliable en pétillant Cacambô !
La satire reste totalement actuelle et est joliment actualisée grâce à la Compagnie des Evadés.
La magie opère dans un vrai moment de théâtre qui fait penser à la commedia dell'arte...
En un mot : bravo ! Bien joué !
A ne rater sous aucun prétexte les jeudi, vendredi et samedi à 20h au Théâtre Clavel (M° Pyrénées)
Vous pouvez réserver sur Billet Reduc : http://www.billetreduc.com/56088/evt.htm
Retrouvez les INCONTOURNABLES portraits des personnages en vidéo sur YouTube : http://www.youtube.com/user/lacompagniedesevades
* Je ne peux souhaiter qu'une chose de plus : un succès tel qu'ils puissent jouer ensuite la pièce en full-length ;)