A les voir, nos deux protagonistes n'ont aucune chance de sortir vivants de ce voyage : entre un fiancé propre sur soi et une blonde totalement barrée, le compartiment SNCF risque de virer à la scène de crime...
Tout ce rose, présent certainement pour nous rappeler que nous sommes au spectacle et pas dans la réalité, tant la limite est parfois aussi mince que les raisonnements de notre chère blonde préférée (comme avoir des couverts à salade dans son sac pour enfiler ses bottes...), pourrait à tort faire croire à une histoire version guimauve. Que nenni !
Avec des répliques plus vraies que nature qui font mouche à chaque fois, il est passionnant de voir filles et garçons rire, rarement ensemble d'ailleurs, tout en se donnant de petites bourrades pour bien signifier "tu vois, finalement..."
Alice Pol incarne avec une justesse surprenante Violette, cette blonde évaporée avec son paquetage de survie, qui fait que toutes les filles se reconnaîtront : "j'aime bien avoir l'impression d'avoir toute ma maison avec moi...".
Mais cette "barbie girl" dans son wagon rose bonbon a bien du mal à chasser les idées noires de son colocataire mâle en tous points, Thomas.
Car Sébastien Lalanne est là pour incarner la raison, l'austérité, le manque d'humour /d'amour aussi d'ailleurs (mais, votre fiancée, vous l'aimez ?) : une sorte d'archétype de l'adulte face aux obligations, tandis qu'Alice reste comme celle du pays des merveilles, sorte de Peter Pan féminin des temps modernes, expliquant à qui veut l'entendre que la vie peut être tellement plus marrante si on regardait tout d'un pas de côté... Chacun rabâchant à sa façon certains des poncifs les plus éculés, ils semblent parfois échappés d'un roman, d'un film et se retrouver sur cette scène comme pour témoigner que "l'amour existe encore" et que ceux qui aiment prendront le train... (si l'on en croit la pub Meetic, la vraie rencontre est "ailleurs"... faut juste espérer qu'il n'y aura pas de grève ;) )
Ce jeu de la séduction ressemble à un tango, un paso doble, un jeu d'escrime ou de la vérité : après le rouge et le noir, le rose vient apporter une touche a(ci)dulée dans ce contexte où l'homme et la femme se voient obligés de se faire face et de communiquer. Le moment du basculement est d'une poésie rare lorsque chacun cherche à prendre une partie de l'autre pour lui ressembler, lui plaire et donc se rapprocher : comportement tellement humain et tellement vrai...
Ce match de ping pong nous procure le plaisir de compter les points, y compris ceux de suspension dans l'attente de la chute : ne dit-on pas à bon escient que l'on "tombe" amoureux ?
Une comédie rafraîchissante, à voir en couple pour se rappeler que c'est aussi parfois pour d'apparentes mauvaises raisons que l'on est ensemble et que l'amour fait loi même dans le chaos le plus invraisemblable.
Prenez vite vos billets pour un voyage immobile passionnant !
Attention ne ratez pas cette surprise à durée limitée : jusqu'au 18 août au Théâtre Michel
Ce spectacle est une belle surprise : tout d'abord, celle de l'écriture d'Alice Pol, qui touche dans sa justesse, son côté lyrique et décadent, juste ce qu'il faut pour déclencher les rires sans jamais tomber dans une quelconque facilité, doublée d'une comédienne émérite, tant l'aspect évaporé de son personnage est loin de sa personnalité. Ensuite, la découverte de Sébastien Lalanne, ici dans un vrai rôle de composition quand on a le plaisir de discuter ensuite avec lui et de découvrir un homme tout à fait pétillant et charmant, loin du cadre coincé qu'il interprète ; et l'occasion d'apprendre qu'il est le créateur des Wriggles, qu'il est passé par le cirque et beaucoup d'autres mondes parallèles avant de rencontrer Alice sur un tournage... à peine quelques semaines avant de monter sur scène avec elle.
Car la création de "C'est tout droit... ou l'inverse" au Théâtre Michel est à l'image de la pièce : une suite de rencontres extraordinaires qui aboutissent à l'apparition de cette magie spéciale. C'est à l'invitation de Didier Caron qu'en moins de temps qu'il ne faut pour le dire que tout s'est décidé et qu'en quelques semaines le spectacle a a été monté. Parmi les magiciens de cette belle aventure, il faut citer Franck Harscouët que je découvre à nouveau en metteur en scène de talent - en attendant de le voir à nouveau sur scène ;) : il a su donner un cadre et une musique bien particulière à cette pièce pour que l'on entre dans cet univers intimiste, sans jamais avoir le temps de s'installer ou de s'ennuyer, grâce aux rebondissements orchestrés de main de maître à l'aide de "petits riens" si bien pensés. A ses côtés Kristof a su l'aider a fignoler le décor, plus proche parfois de l'Orient Express version panthère rose que de n'importe quel train corail ou TGV actuel ;) Cette somme de talents rend justice au texte, véritable écrin pour cette jolie perle.