13 décembre 2009
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Il y a 10 ans j'ai "rencontré" l'oeuvre de Bill Viola au travers d'une Trilogie et cela a été une révélation. Hier soir, j'ai rencontré l"oeuvre de Patrick Bernatchez au travers d'une trilogie à nouveau et la sensation a été presque aussi forte.
Du haut de ces trente et quelques années, il signe un film, un court, une oeuvre picturale animée, dont l'écriture est très structurée, la boucle bouclée et la démonstration... CQFD.
C'est sans a priori qu'il faut s'installer sur la banquette pour accepter d'entrer dans l'univers que nous propose l'artiste. L'oeuvre entière est construite comme une boucle, avec des boucles à l'intérieur de chaque partie et des liens entre les 3 tableaux.
I feel cold today est un ballet sans corps : c'est l'absence humaine qui rend le poids et la présence des objets plus prégnant. Pourtant des signes sont là, laissant présupposer toute catastrophe (cf. Le Jour d'Après). Le décor est daté (américain, années 70, jusque dans la couleur du film) et l'ambiance fait penser à Twilight Zone... la façon de filmer se rapproche à la fois du fantastique et de l'horreur... L'angoisse monte... Ce morceau du tryptique est créé dans la "montée", symbolisée par l'ascenseur et le passage des étages, concordant avec la montée de l'eneigement du lieu choisi pour cadre. L'alliance parfaite entre le bruitage ou la musique ou le silence et les images donne à l'ensemble une force qui sous-tend à la fois la perception de la maîtrise et de l'écriture de l'oeuvre... Petit clin d'oeil : la présence répétée par deux fois du livre "le zoo humain" de Desmond Morris... le blanc final est d'autant plus puissant qu'il est suivi d'un noir prolongé pour entrer dans Chrysalide, la deuxième partie...
On passe du 10ème étage au sous-sol, dans un parking. Les personnages : une voiture et un homme ; et un élément, toujours l'eau, mais après la neige, cette fois liquide. Cette oeuvre dérange plus, nous positionnant en voyeur, nous assistons à un suicide (?)... dans ce tableau, plus que dans les autres, on peut lire en "infra" une foule de critiques, encapsulées dans des symboles et éclaircies par des clins d'oeil dans les deux autres tableaux, pour donner corps à l'ensemble.
Dans Chrysalide, le mouvement circulaire de la caméra a un effet à la fois hypnotique et propose une lecture en "montré/caché" de l'évolution implacable de la situation... le rythme à la fois de la rotation, de la musique, encore une fois les passages entre bruit, musique ou silence sont tout à fait signifiants et amplifient la cruelle beauté de l'image... Il y a un espoir sous-jacent qu'à tout moment la situation bascule, qu'il y ait un point justement non pas de chute, mais une rupture à l'issue fatale qui nous est proposée... Une questions nous vient à l'esprit en regardant ces images : conduisons-nous nos vies ?
13 nous propose des éléments de réponse et de justification à Chrysalide et ouvre une brèche lorsque la vitre explose... même si nous savons qu'il est vraisemblablement trop tard... 13 est entièrement dans la descente... et la fonte de la neige... c'est un cycle qui vient nous montrer ce qui se cache en partie en dessous de I feel cold today et de Chrysalide... on revient sur la vision extérieure de la fin de I feel cold today... puis on passe d'un atelier de couture, à une séance photo d'un clown "Mac Do", à des musiciens, un pianiste, un téléphone qui sonne et auquel on ne répond pas, une journée de travail qui s'achève, les locaux qui se vident... et retour au sous-sol, à la voiture de Chrysalide avec la vitre qui explose et l'eau qui se répand, jusqu'à nos pieds...
Parfois, il faut juste se "laisser prendre" sans chercher de justification ou de raison, et Patrick Bernatchez réussit à nous faire entrer dans son monde le temps de quelques minutes intenses... La fin du film est une libération qui en même temps nous fait réaliser qu'il s'est passé quelque chose, qui nous a - même infimement - changés.
à voir à la galerie e.space generic